L’ingérence du politique dans la justice

La séparation des pouvoirs

La séparation des pouvoirs dégagée par Montesquieu… Une vieille lubie de nos ancêtres ? Un leçon bien rébarbative apprise en classe de troisième ?

Le principe est tout sauf dépassé : c’est une nécessité vitale pour la survie de nos institutions. En ce qui concerne la justice, celui qui la contrôle décide du sort de l’ensemble des justiciables, et partant de la concrétisation de leurs droits.

Vous avez été agressé (10 j. d’ITT), vous savez que le droit pénal qualifie les faits de violences (art. 222-11 c. pén.) et punit leur auteur de prison et amende. Fort bien, mais l’agresseur connaît le procureur qui… Une loi vous protège mais vous n’avez pas accès au juge.

Or, pour marquer la séparation, c’est-à-dire repérer lorsqu’un pouvoir en contrôle un autre, point de ligne bien délimitée. Question de vigilance. Et de compréhension des mécanismes expliqués ici.

La justice pénale

Le schéma de l’accès au juge est le suivant :

  • plainte déposée auprès d’un officier de police judiciaire ou du procureur de la République ;

  • action publique mise en mouvement par le procureur ;

  • constitution de partie civile auprès d’un juge d’instruction si le procureur ne met pas l’action en mouvement ;

  • saisine de la juridiction par le procureur ou le juge d’instruction ;

  • jugement.

Il est à remarquer que :

  • l’officier de police judiciaire ne transmet pas toujours la plainte au procureur,

  • ce dernier est dépendant du pouvoir politique (ministre de la justice),

  • la constitution de partie civile n’est possible, depuis la loi du 5 mars 2007, qu’en cas de refus du procureur ou au bout d’un délai de trois mois après d’un dépôt de plainte auprès de lui (art. 85 al. 2 CPP) ;

  • le juge d’instruction devrait disparaître.

Un rapport du Conseil de l’Europe traite du problème délicat des Allégations d’utilisation abusive du système judiciaire répressif, motivée par des considérations politiques, notablement en France et en Allemagne.

Ce rapport évite de citer les (nombreuses) affaires politiques où le pouvoir est intervenu et opte plutôt pour l’atteinte aux apparences d’indépendance selon l’équation « atteinte aux apparences d’indépendance = pas d’indépendance ».

La justice administrative

Lorsqu’une illégalité est commise par l’administration, il n’existe pas de « procureur public » qui viendrait pourchasser les illégalités commises.

Cette mission est apparemment paradoxalement privatisée, c’est-à-dire qu’il appartient aux citoyens de saisir le juge eux-mêmes pour obtenir satisfaction d’intérêts généraux.

Paradoxal ? Apparemment seulement : l’absence de procureur public est la marque de l’inexistence de contre-pouvoirs : l’administration, donc le pouvoir politique, peut aisément commettre des illégalités sans réaction possible grâce aux procédés suivants :

  • accès difficile aux documents administratifs ;
  • caractère immédiatement exécutoire des actes administratifs (en Allemagne, un recours suspend l’exécution de l’acte contesté) ;
  • nécessité de prouver un intérêt personnel : impossible en pratique en matière d’impositions nationales, d’obtention d’avantages financiers plus ou moins occultes, etc. ;
  • lenteur de la justice administrative asséchée en crédits et croulant sous le contentieux.
Retour en haut